13.10.10

note pour un dnsep

C'est à partir d'un projet réalisé en 2009 sur le passage-piéton qu'est né chez moi l'envie de travailler sur la ville et sa ré-appropriation. Qu'est-ce qu'une ville ? Comment la définir et en faire une base de recherches et de travail ? Si on veut l'observer de manière objective, la ville est un ensemble d'immeubles, de monuments, d'institutions, de rues, d'avenues, de boulevards, de carrefours, de trottoirs, de signalisations, de moyens de transport... La liste peut continuer encore longtemps. Si on en croit le géographe français Pierre George, une ville est « un groupement de populations agglomérées caractérisé par un effectif de population et par une forme d'organisation économique et sociale ». On peut même aller plus loin et en donner une définition plus précise comme celle lue sur wikipédia :

« unité urbaine étendue et fortement peuplée (dont les habitations doivent être à moins de 200 m chacune, soit 2000 habitants) dans laquelle se concentrent la plupart des activités humaines : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture. Le seuil à partir duquel on parle de ville varie selon les époques et les pays. Les statistiques des Nations unies montrent les différences de seuil entre les instituts nationaux de statistiques. Si en France ou en Allemagne, le seuil est de 2000 habitants agglomérés, il est au Danemark de 200, au Canada de 1000, aux États-Unis de 2 500, en Suisse et en Espagne de 10000, au Japon de 50000. Les Nations unies se réfèrent quant à elles au seuil de 20 000 habitants. »

Soit. Mais n'est-il pas nécessaire, en faisant pas un de travers, de définir la ville autrement ? C'est en tout cas ce que nous conseille Georges Perec dans son livre Espèce d'espace, à propos de la ville :

« Chasser toute idée préconçue. Cesser de penser en termes tout préparés, oublier ce qu'ont dit les urbanistes et les sociologues [et wikipédia ? N.d.t]. »

Alors quoi ? Peut-être une approche plus personnelle, sensible, ne serait pas dépourvu d'intérêt, malgré tous les risques inhérents à la subjectivité. La pratique de l'inventaire poussé jusqu'à l'absurde, cher à Perec, peut être un bon commencement pour appréhender cette nébuleuse. Ecrire, lister, dessiner ce qu'on l'on voit à chaque coin de rue, que ce soit insolite, curieux ou banal. Chercher dans le fragment pour révéler le tout. Se promener, observer, noter, ressentir... Autant de moyens pour chercher l'essence de ce qui fait, de ce qu'est la ville. Et c'est après cette phase de simple appréhension d'une réalité donné que se dessine l'étape suivante, l'action, ou comment agir sur cet environnement pour se le ré-approprier. Cette réflexion soulève, donc, la problématique de l'intervention en espace urbain. De quelle nature ? La piste de l'intervention artistique semble riche en solutions proposés, et n'a pas à se préoccuper des problèmes techniques, administratifs et budgétaires qui pèsent sur un projet urbaniste ou architectural. L'intervention artistique peut être spontanée, discrète et hors du système économique, sans pour autant perdre de son impact conceptuel et sensible. Elle est par ailleurs détachée de toute contrainte utilitaire.

Lorsqu'un artiste fait une intervention dans la rue, on peut juste à passer à côté sans s'y intéresser, ou bien répondre à la proposition de l'artiste et par-là même devenir acteur de la situation. Un changement de perception s'opère, grâce à la démarche de l'artiste qui revêt toujours, l'air de rien, une dimension didactique. L’intervention artistique modifie la vision d'un lieu et le dynamise. Il permet au passant de parcourir la ville comme un territoire vivant sur lequel il peut avoir une incidence. La proximité des interventions dans l'espace public fait de l‘artiste-intervenant un être impliqué dans son environnement social en créant un lieu générateur de sensations et de réflexion.

Depuis plus d'un demi-siècle, de nombreux artistes se sont penchés sur la question de l'espace urbain et de sa ré-appropriation. Ainsi, dès 1950, le lettriste Isidore Isou contestait l'architecture fonctionnaliste de son époque et souhaitait la transformation des éléments de construction selon la volonté des habitants : « l'espace urbain deviendra l'œuvre des usagers eux-mêmes ou bien il deviendra inacceptable ». Ses théories vont influencer les thèses de Gil Wolman et Guy Debord sur la dérive, cette « technique du passage hâtif à travers des ambiances variées », et la « psychogéographie », définies comme l'étude « des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus ». Ces concepts seront d'ailleurs la base des théories situationnistes. On peut d'ailleurs citer dans ce cadre le New Babylon de Constant, un projet utopique de ville mobile et suspendue ou les habitants vivraient en nomade, sans domiciles fixes, conçu en 1959.

Poursuivant le rêve situationniste d'une ré-appropriation subjective de l'espace urbain, l'artiste et architecte italien Ugo La Pietra fait de la ville son objet privilégié d'expérimentations, détournant et réinterprétant par exemple le mobilier urbain pour en faire des « structures de service pour l'espace domestique ». Mais l'un de ses projets les plus emblématiques, effarant de simplicité et d'efficacité, est son Commutateur, un dispositif à la forme élémentaire : deux planches de bois reliées en leurs sommets par des gonds et formant un angle modulable. L'utilisateur est invité à s'étendre le long d'un des pans inclinés afin d'observer le monde « sous un autre angle ». En déplaçant son centre de gravité, le corps accède à de nouvelles perceptions et permet à l'utilisateur de se ré-approprier symboliquement l'espace urbain. La Pietra définira lui-même cet objet comme un « instrument de décryptage et de proposition » apte à donner une lecture plus profonde du territoire. Ce même rapport à la ville puisant ses sources dans les thèses situationnistes se retrouve chez le collectif italien Stalker. Depuis 1995, ils organisent des dérives urbaines à travers les zones abandonnées des villes comme les friches, les terrains vagues ou les entrepôts en ruine. Pour eux, la ville contemporaine n’est pas simplement une surface quadrillée, elle comprend des zones d’ombre, des aires marginales et abandonnées. Ces « territoires actuels », comme ils les appellent, ont un devenir autre, un devenir à imaginer. Les parcours qu’ils effectuent, leurs traversées, permettent de connaître le territoire par l’expérience directe et par la marche. Comme le dit Thierry Davila, auteur de l'ouvrage Marcher, créer, « la marche est une avancée vers l’inconnu, l’inexpérimenté, l’inhabité ; la marche suit le cours de l’expérience ». En d’autres termes, l’expérience appelle toujours au devant d’elle-même d’autres expériences.

Depuis les performances dans la rue de Ben Vautier, les textes installés in situ de Lawrence Weiner et Jenny Holzer, jusqu'aux interventions discrètes de Didier Courbot, l'espace public en général va devenir, à partir des années 1960 et jusqu'à aujourd'hui, le terrain privilégié d'un certain nombre d'artistes. On peut ainsi penser aux performances de Valie Export qu'elle réalise dans les années 1970 où elle se sert de son corps pour épouser les contours d'éléments urbains (escaliers, coin de rue...), faisant littéralement corps avec la ville pour en révéler les détails. De même, les spectaculaires « emballages » de Christo qui, en recouvrant jusqu'à des monuments entiers d'une bâche opaque, réactualise le regard des passants sur des architectures qu'ils ne voient plus. C'est donc paradoxalement par l'occultation de l'objet que Christo attire notre regard sur celui-ci alors que visible, on n'y perte quotidiennement aucune attention.


Il y a une dimension fondamentalement éphémère dans l'intervention, d'où le problème de sa restitution. Comment laisser trace ? Le témoignage devient photographie, vidéo, affiche, objet éditorial. Ces supports ont autant d'importance que l'action elle-même puisqu'ils prouvent son existence et peuvent eux-même être redistribuer dans l'espace public, prolongeant ainsi les effets de l'intervention initiale. L'un des pionniers dans la restitution d'œuvres éphémères par le biais de la photographie et de la publication est évidemment l'artiste Richard Long, figure emblématique du Land Art. Qu'y a-t-il en amont et en aval d'une action limitée dans le temps ? Encore une fois, le travail de Long, comme celui de Christo, est intéressant. Ce n'est pas seulement l'emballage du Pont-Neuf qui compte mais également les croquis préparatoires, les notes, le dossier de présentation du projet. De même, après l'intervention, il y a les photographies qui en témoignent, leur publication... C'est tout le champ de l'archivage et de la diffusion qui entrent en jeu, car plus qu'une restitution, ils font partie intégrante du projet. De cet archivage, certains en ont fait leur œuvre. C'est le cas de Céline Duval qui constitue depuis plusieurs années un fonds iconographique de sources variées : photos de presse, publicités, images de mode découpées dans les magazines photos d’amateurs, cartes postales couleurs, trouvées aux puces ; ainsi que ses propres photos. Cette documentation est la base de la réalisation d’un ensemble d’éditions et de cahiers d’images, révélateurs de stéréotypes photographiques. De même, il est intéressant d'étudier le genre de la publication d'artiste (revues, livres). Cette pratique se développe au cours des années 1960 dans un contexte critique à l’égard des institutions artistiques, et se proposait entre autre d'être une alternative aux galeries et aux institutions muséales, devenant un nouvel espace d'exposition. Jérôme Dupeyrat, dans son article Revues d'artiste. Pratiques d'exposition alternatives / Pratiques alternatives à l'exposition, publié en février 2010 dans un hors-série de la revue 2.0.1, cite notamment le cas du bulletin Art & Project :


« De 1968 à 1989, la galerie Art & Project à Amsterdam, dirigée par Geert van Beijeren et Adriaan van Ravesteijn, a édité 156 numéros d’un bulletin gratuit ayant acquis aujourd’hui une reconnaissance historique. Ces Art & Project Bulletin se présentent sous la forme d’un feuillet double (dans la très grande majorité des cas de format A3 plié en deux en un livret A4), dont l’un des volets servait à annoncer les expositions de la galerie – faisant office en cela de carton d’invitation – les trois autres étant confiés à un artiste pour une création originale. Investis tour à tour par Gilbert & George, Lawrence Weiner, Richard Long, Hamish Fulton, Sol LeWitt, Hanne Darboven, et tant d’autres, chacun était imprimé à environ 800 exemplaires. Près de la moitié était diffusée par voie postale alors que les autres étaient mis à disposition du public dans la galerie. »


Véritable lieu d'exposition, ce bulletin faisait en même temps office de catalogue et d'archives d'œuvres. La publication a donc, dans sa nature-même une ambivalence quant à sa fonction. C'est cette ambivalence qu'il reste à explorer.

12.10.10

espèce d'espace (georges perec)


ouvrage examinant le rapport à l'espace
progression de la page blanche au vide sidéral

espace de la page
espace du lit
espace de la chambre
espace de l'appartement
espace de l'immeuble
espace de la rue
espace du quartier
espace de la ville
espace de la campagne
espace du pays
espace de l'europe
espace du monde
espace de l'espace

mots comme véhicules des images de paysages traversés
l'extraordinaire n'a pas sa place, l'aventure est au coin de la rue

3.5.10

entretien avec pierre monjaret

du 18 au 20 mars 2010, en compagnie de clément sayous, joëlle labiche et sophie monville, je me suis rendu à rennes pour le colloque "le livre d'artiste : quels projets pour l'art ?", présidé par leszek brogowski et anne moeglin-delcroix

avec clément, nous avons été amené à rencontrer différents acteurs de ce colloque (bertrand clavez, jérôme dupeyrat, anne moeglin-delcroix...), dont pierre monjaret, dircteur de "la bergerie", lieu d'art contemporain "modeste et génial", dont le travail fait écho avec la thématique de l'atelier "espace du livre" pour l'année 2009/2010 : la fiction

ci-dessous la retranscrition de notre entretien avec pierre monjaret :

Que ce soit Hubert Renard, Ultralab ou la Bergerie, d'où peut venir cette tendance consistant à détourner les codes de l'art contemporain, à le parodier pour en faire une fiction ?

Il semblerait qu'il y ait deux questions. Vous me parlez à la fois d'Hubert Renard et d'Ultralab, et de détourner l'art contemporain.
D'un côté il y cette notion de détourner l'art contemporain qui touche à la Bergerie en général, et il y a Hubert Renard et Ultralab comme exemples de personnes réelles qui interviennent au sein de la Bergerie.
Alors si on cite Hubert Renard et Ultralab, il y a aussi Régis Perray, Patrick Moya, Anne Moeglin-Delcroix ou Leszek Brogowski ... Toutes ces personnes existent. Et à côté d'elles nous avons Hoon Garwa, Hermeto Guzman y Epo, Jessica Le Breuil etc. qui sont des personnages inventés... Alors pourquoi des gens qui existent ? Et bien tout simplement parce que je voulais une étape de plus pour dérouter le public, c'est-à-dire qu'une partie de celui-ci, au bout d'un certain moment, avait découvert la vérité sur la Bergerie, à savoir qu'elle n'est qu'une fiction, donc pour le dérouter à nouveau, j'ai demandé à des personnes réelles de participer au projet. C'est-à-dire que comme on commençait à découvrir la réalité et qu'on connaissait l'existence de gens comme Patrick Moya ou Leszek Brogowski, du coup les voir dans la Bergerie pouvait à nouveau faire douter le public sur ce qu'il venait de découvrir.
Alors bien sûr, les artistes ou les intervenants réels ont quelque chose à voir avec ce type de projets, il ne me viendrait pas à l'idée de demander une participation à un peintre qui fait de la peinture sur chevalet (qui d'ailleurs a raison de faire ce qu'il fait, il n'y a aucune critique là-dedans mais disons que ça ne me concerne pas vraiment), je demande plutôt à des personnes qui travaillent dans ce secteur-là d'intervenir car leurs propositions peuvent être intéressantes.
Un autre aspect de votre question concernait le détournement de l'art contemporain : il y a une dimension critique, mais c'est plus une critique du marché que de l'art contemporain en général. Pourquoi tel artiste devient célèbre et pas tel autre ? Par exemple, à propos des visuels présents sur le site de la Bergerie, je fais exprès de faire des images assez pauvres, bâclés : une des « œuvres » d'Hermeto Guzman y Epo, par exemple, a été réalisé avec un décapsuleur et des feutres pour enfants de dix ans sur un demi-A4. Ensuite je l'ai scanné et j'ai dit que c'était de l'acrylique sur papier de 2m par 1m50 ! Tout cela sert finalement à ce que les gens se posent des questions sur les critères de choix artistiques, on va parler de la démarche de l'artiste mais l'objet en lui-même est relativement peu analysé. Il y a ça, mais aussi, évidement, une critique de la médiatisation de l'art et de son marché plus que, comme je vous l'ai dit, de l'art contemporain en soi.

Votre fiction est faite pour faire réagir sur certains points. Pour se faire vous utilisez en quelque sorte le registre du burlesque. Cette forme d'exagération se retrouve un peu dans le graphisme de votre site par le système de la liste (bibliographies mêlant vrai et faux, CV gonflés). On peut dire que cette exagération fait partie en quelque sorte de votre démarche...

Tout à fait. J'ai pris l'étiquette « d'artiste conceptuel burlesque » pour les conférences. Les personnes qui regardent le site internet ne le regardent pas pendant une demi-heure, ils le regardent pendant cinq minutes... Du coup les éléments ne s'accumulent pas comme lors d'une conférence. L'accumulation d'informations un peu incongrues donnent au final un aspect burlesque qu'on ne retrouve pas dans la visite du site. Mais il y a effectivement l'idée principale de ne pas critiquer ouvertement mais d'accumuler des détails pour que la critique apparaisse chez la personne qui regarde. Et si j'utilise les listes c'est parce que sur les sites des galeries, françaises ou internationales, il y a toujours des listes, c'est une sorte de compétition dans le nombre d'artistes et la longueur de la liste. Je n'invente rien, c'est pareil pour les CV, plus les artistes exposent, plus on en met. Mais oui évidement j'exagère : si vous avez vu sur mon site la biographie de Marina Balanovitch, elle n'a que seize ans et a exposé depuis l'âge de treize ans dans une vingtaine de galeries internationales ! Donc il y a exagération, mais une exagération qu'on ne verra pas si on passe très vite sur le site internet, on ne fera pas attention à sa date de naissance, d'ailleurs, pendant la conférence je n'en ai pas parlé. Je l'ai montré mais il est possible que pas grand monde n'y ait fait attention.

Et ce qui est intéressant c'est qu'en dehors de ces petits détails qui donnent des clés, l'ensemble reste extrêmement plausible : ça pourrait exister, il pourrait y avoir un centre d'art contemporain qui propose ce genre d'artistes. Même ces voyages de presse en jet privé, bien que ce soit exagéré...

Oui, pour les voyages de presse, là, je n'ai montré que les plus burlesques, les plus parodiques, mais j'ai fait des appels pour des voyages de presse très classiques. Le voyage en jet privé je le mets à chaque fois mais après c'est « déjeuner au restaurant », « visite de l'expo » etc. sans « escalade des monts pyrénéens » ou des choses comme ça... Alors j'ai eu parfois des appels de journalistes qui me demandaient comment il fallait faire.

Et vous avez poussé, comme Ultralab, jusqu'à l'envoi de faux cartons d'invitation ?

Non ça je ne l'ai pas fait mais pour raisons budgétaires uniquement, mais si j'avais pu le faire je l'aurais fait. Et de toute manière j'envoie des mails d'invitation car là il n'y a pas de problèmes de budget... J'ai rencontré Ultralab, comme j'ai rencontré Hubert Renard, à la Biennale de Paris qui a repris ses activités en 2004 je crois, et j'y ai participé en 2006. C'est là que j'ai rencontré pas mal (enfin, un petit nombre) de gens qui travaillent sur la fiction.

Hier, lors du vernissage de l'exposition Mauricio Nanucci, vous racontiez une anecdote comme quoi des gens étaient venus dans le village de Bourréac...

Oui ça aussi ça arrive assez régulièrement. Alors comme j'ai choisi ce village qui, même si je n'y vais pas, est juste à côté de chez moi, j'ai des nouvelles : j'ai appris effectivement qu'il y a quelque fois des personnes qui ne téléphonent pas, qui se rendent directement à Bourréac et qui ne trouve pas.

(rires) Merci beaucoup !

Je vous en prie !

propos recueillis par clément sayous et damien dion le 19 mars 2010 à l'université rennes 2

17.2.10

peter downsbrough






peter downsbrough
né en 1940
interventions discrètes en espace urbain
notion de position et de cadrage
espaces structurés
vocabulaire plastique épuré
jeu sur la lisibilité du mot
simplicité et dénuement

[TILL
livre d'artiste
maquette de dowsbrough
travail sur l'epace du livre et le langage


12.2.10

vu sur rue89 : une artiste censurée par pression politique

je ne ferai aucun commentaires, je ne voudrais pas me faire embarquer par la police

Quatre mots qui dérangent : travailler, gagner, plus, moins. L'installation de l'artiste chinoise Ko Siu Lan, dont le vernissage était programmé vendredi, a été démontée quelques heures après leur affichage sur la façade de l'École des Beaux- Arts, quai Malaquais. « Censure politique », dénonce l'artiste.

« Un week-end de sept jours », une exposition collective à la connotation délibérément utopique, devait présenter du 13 au 21 février des œuvres d'étudiants du Royal College of Art de Londres, et de Lasalle College of the Arts de Singapour.

Ko Siu Lan, qui connaît bien les Beaux-Arts de Paris pour y avoir passé deux ans en résidence, avait imaginé deux bannières réversibles de 7 mètres de haut sur 1,2 m de large, visibles depuis les quais de la Seine et incluant simplement quatre mots. Selon le chemin que l'on empruntait, on pouvait lire les mots ci-dessous.



* Gagner Plus Travailler Moins
* Travailler Plus Gagner Moins
* Travailler Moins Gagner Moins
* Travailler Plus Gagner Plus
* Plus Gagner Plus Travailler
* Moins Gagner Plus Travailler
* Moins Travailler Moins Gagner
* Plus Travailler Plus Gagner
* Plus Gagner Moins Travailler
* Plus Travailler Moins Gagner

L'artiste explique avoir cherché à évoquer « à la fois la question du travail et de la propagande, dans un esprit universel » et s'être « bien sûr inspirée du slogan du candidat Sarkozy. »
Œuvre dérangeante vis-à-vis des ministères ?

Mercredi à 10h30, comme prévu, les bannières ont été montées sur la façade située à deux pas de l'actuelle résidence de Jacques Chirac, quai Voltaire. Mais dans l'après-midi, elles ont été retirées alors que l'artiste n'a été officiellement avertie que par un mail reçu dans la soirée de sa commissaire d'exposition, Clare Carolin, du Royal College of Art de Londres.

« Le pire est que tout était calé depuis un an, le catalogue imprimé, ils n'ont pas découvert ça hier ».

D'après les informations que nous avons recueillies, la direction de l'école aurait jugé cette œuvre trop dérangeante et aurait argué qu'elle avait choqué certains membres du personnel de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts et du ministère de l'Éducation.

Le directeur aurait ajouté que la période était particulièrement sensible alors que l'école était en train de renouveler sa convention de financement avec les ministères.

À la commissaire d'exposition Clare Carolin, on a simplement proposé de rapatrier les bannières à l'intérieur de l'école, mais elle ne pouvait prendre une telle décision sans prévenir l'artiste. Elle n'a pas eu le temps de le faire puisque lorsqu'elle est sortie de la réunion, l'œuvre était déjà démontée.
« Le climat conservateur de la France de Sarkozy »

On imagine que pour une Chinoise, même élevée à Hong-Kong, une telle censure au pays des droits de l'homme soit à peine croyable. Ko Siu Lan :

« Je trouve dur de découvrir que cette forme de censure brutale puisse se produire en France. Il n'y a même pas de place pour la discussion, tout se passe dans mon dos et celui de la commissaire. Encore plus dur que cela se produise dans la plus ancienne école d'art française, où l'on est supposé encourager l'expression la plus libre des artistes.

Dur de croire encore que les enjeux économiques et politiques l'emportent sur toute autre préoccupation. Cela montre à mes yeux dans quel climat conservateur est tombée la France de Sarkozy, et à quel point celui-ci fait peur.

Je demande que mon travail soit remis sur la façade et que l'école donne une explication officielle à cette censure et s'excuse. Je réfléchis aussi à une éventuelle action judiciaire. »

« Atteinte à la neutralité du service public »

L'Ecole des Beaux-arts de Paris, dans un communiqué, a déclaré que l'artiste avait accroché son oeuvre à l'extérieur « sans que la direction de l'établissement en soit informée » :

« Sans titre, sans nom d'auteur, sans mention relative à l'exposition, le caractère de l'oeuvre se réfère explicitement à un contexte politique. Son auteur a souhaité, par la présentation sur la voie publique, utiliser spectaculairement comme médiation de son message un bâtiment de l'Etat voué à l'enseignement », a poursuivi l'école.

La direction de l'école a considéré que « cette présentation non concertée de l'oeuvre, sans explicitation à l'attention du public, pouvait constituer une atteinte à la neutralité du service public et instrumentaliser l'établissement », selon le communiqué.

En réaction, Ko Siu Lan invite tous ceux qui la soutiennent à venir ce vendredi devant l'école, à l'heure du vernissage (vers 18h) :

« Apportez avec vous deux bannières, imprimez-les au format que vous voulez, et faites votre propre version de ces bannières avec les 4 mots : Gagner, Travailler, Moins, Plus (en les collant dos-à-dos). Nous aurons une mer de bannières dehors, dedans, dessus, dessous les Beaux-arts.

8.2.10

dziga, l'homme-caméra



teaser animé réalisé pour le festival du film de vendôme en décembre 2009

20.1.10

la maison des feuilles



en ce moment je lis le roman la maison des feuilles de mark z danielewski
roman étrange qui multiplie les narrations et enchâsse des récits les uns dans les autres
une particularité intéressante, ce roman joue avec l'espace-même de la page et du livre, change de police suivant les niveaux de narration (la courrier pour errand, la times pour zampano...)
par ailleurs, le mot "maison", concept central de ce roman, est systématiquement écrit en bleu, ce qui renforce son importance et rythme la lecture

un petit résumé de l'histoire :

la maison des feuilles débute avec un narrateur à la première personne : johnny errand, employé dans un magasin de tatouage de los Angeles

un soir, errand reçoit un coup de fil de son ami lude lui enjoignant de le rejoindre afin de visiter l'appartement d'un vieil aveugle nommé zampano, récemment décédé

dans l'appartement de zampano, errand découvre un manuscrit écrit par celui-ci qui se trouve être une étude académique d'un film documentaire, sorte de home-movie, appelé the navidson record

si on en croit zampano, ce film raconte l'étrange histoire de la famille navidson ayant emménagée dans une maison plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur

le film est réalisé par le propriétaire même de cette maison, will navidson

le reste du roman alterne entre le rapport de zampano sur le film, et les interjections biographiques de johnny, incluses dans les notes que ce dernier écrit sur le manuscrit

il y a aussi de brèves notes d'éditeurs non identifiés, ainsi que certaines du traducteur (dans la version française)

17.1.10

la rue M.../blancs et répétitions







"ce qui importe n'est pas de lire mais de relire" (Borges)

la couleur comme révélateur de répétitions
présence/absence du texte