avec clément, nous avons été amené à rencontrer différents acteurs de ce colloque (bertrand clavez, jérôme dupeyrat, anne moeglin-delcroix...), dont pierre monjaret, dircteur de "la bergerie", lieu d'art contemporain "modeste et génial", dont le travail fait écho avec la thématique de l'atelier "espace du livre" pour l'année 2009/2010 : la fiction
ci-dessous la retranscrition de notre entretien avec pierre monjaret :
Que ce soit Hubert Renard, Ultralab ou la Bergerie, d'où peut venir cette tendance consistant à détourner les codes de l'art contemporain, à le parodier pour en faire une fiction ?
Il semblerait qu'il y ait deux questions. Vous me parlez à la fois d'Hubert Renard et d'Ultralab, et de détourner l'art contemporain.
D'un côté il y cette notion de détourner l'art contemporain qui touche à la Bergerie en général, et il y a Hubert Renard et Ultralab comme exemples de personnes réelles qui interviennent au sein de la Bergerie.
Alors si on cite Hubert Renard et Ultralab, il y a aussi Régis Perray, Patrick Moya, Anne Moeglin-Delcroix ou Leszek Brogowski ... Toutes ces personnes existent. Et à côté d'elles nous avons Hoon Garwa, Hermeto Guzman y Epo, Jessica Le Breuil etc. qui sont des personnages inventés... Alors pourquoi des gens qui existent ? Et bien tout simplement parce que je voulais une étape de plus pour dérouter le public, c'est-à-dire qu'une partie de celui-ci, au bout d'un certain moment, avait découvert la vérité sur la Bergerie, à savoir qu'elle n'est qu'une fiction, donc pour le dérouter à nouveau, j'ai demandé à des personnes réelles de participer au projet. C'est-à-dire que comme on commençait à découvrir la réalité et qu'on connaissait l'existence de gens comme Patrick Moya ou Leszek Brogowski, du coup les voir dans la Bergerie pouvait à nouveau faire douter le public sur ce qu'il venait de découvrir.
Alors bien sûr, les artistes ou les intervenants réels ont quelque chose à voir avec ce type de projets, il ne me viendrait pas à l'idée de demander une participation à un peintre qui fait de la peinture sur chevalet (qui d'ailleurs a raison de faire ce qu'il fait, il n'y a aucune critique là-dedans mais disons que ça ne me concerne pas vraiment), je demande plutôt à des personnes qui travaillent dans ce secteur-là d'intervenir car leurs propositions peuvent être intéressantes.
Un autre aspect de votre question concernait le détournement de l'art contemporain : il y a une dimension critique, mais c'est plus une critique du marché que de l'art contemporain en général. Pourquoi tel artiste devient célèbre et pas tel autre ? Par exemple, à propos des visuels présents sur le site de la Bergerie, je fais exprès de faire des images assez pauvres, bâclés : une des « œuvres » d'Hermeto Guzman y Epo, par exemple, a été réalisé avec un décapsuleur et des feutres pour enfants de dix ans sur un demi-A4. Ensuite je l'ai scanné et j'ai dit que c'était de l'acrylique sur papier de 2m par 1m50 ! Tout cela sert finalement à ce que les gens se posent des questions sur les critères de choix artistiques, on va parler de la démarche de l'artiste mais l'objet en lui-même est relativement peu analysé. Il y a ça, mais aussi, évidement, une critique de la médiatisation de l'art et de son marché plus que, comme je vous l'ai dit, de l'art contemporain en soi.
Votre fiction est faite pour faire réagir sur certains points. Pour se faire vous utilisez en quelque sorte le registre du burlesque. Cette forme d'exagération se retrouve un peu dans le graphisme de votre site par le système de la liste (bibliographies mêlant vrai et faux, CV gonflés). On peut dire que cette exagération fait partie en quelque sorte de votre démarche...
Tout à fait. J'ai pris l'étiquette « d'artiste conceptuel burlesque » pour les conférences. Les personnes qui regardent le site internet ne le regardent pas pendant une demi-heure, ils le regardent pendant cinq minutes... Du coup les éléments ne s'accumulent pas comme lors d'une conférence. L'accumulation d'informations un peu incongrues donnent au final un aspect burlesque qu'on ne retrouve pas dans la visite du site. Mais il y a effectivement l'idée principale de ne pas critiquer ouvertement mais d'accumuler des détails pour que la critique apparaisse chez la personne qui regarde. Et si j'utilise les listes c'est parce que sur les sites des galeries, françaises ou internationales, il y a toujours des listes, c'est une sorte de compétition dans le nombre d'artistes et la longueur de la liste. Je n'invente rien, c'est pareil pour les CV, plus les artistes exposent, plus on en met. Mais oui évidement j'exagère : si vous avez vu sur mon site la biographie de Marina Balanovitch, elle n'a que seize ans et a exposé depuis l'âge de treize ans dans une vingtaine de galeries internationales ! Donc il y a exagération, mais une exagération qu'on ne verra pas si on passe très vite sur le site internet, on ne fera pas attention à sa date de naissance, d'ailleurs, pendant la conférence je n'en ai pas parlé. Je l'ai montré mais il est possible que pas grand monde n'y ait fait attention.
Et ce qui est intéressant c'est qu'en dehors de ces petits détails qui donnent des clés, l'ensemble reste extrêmement plausible : ça pourrait exister, il pourrait y avoir un centre d'art contemporain qui propose ce genre d'artistes. Même ces voyages de presse en jet privé, bien que ce soit exagéré...
Oui, pour les voyages de presse, là, je n'ai montré que les plus burlesques, les plus parodiques, mais j'ai fait des appels pour des voyages de presse très classiques. Le voyage en jet privé je le mets à chaque fois mais après c'est « déjeuner au restaurant », « visite de l'expo » etc. sans « escalade des monts pyrénéens » ou des choses comme ça... Alors j'ai eu parfois des appels de journalistes qui me demandaient comment il fallait faire.
Et vous avez poussé, comme Ultralab, jusqu'à l'envoi de faux cartons d'invitation ?
Non ça je ne l'ai pas fait mais pour raisons budgétaires uniquement, mais si j'avais pu le faire je l'aurais fait. Et de toute manière j'envoie des mails d'invitation car là il n'y a pas de problèmes de budget... J'ai rencontré Ultralab, comme j'ai rencontré Hubert Renard, à la Biennale de Paris qui a repris ses activités en 2004 je crois, et j'y ai participé en 2006. C'est là que j'ai rencontré pas mal (enfin, un petit nombre) de gens qui travaillent sur la fiction.
Hier, lors du vernissage de l'exposition Mauricio Nanucci, vous racontiez une anecdote comme quoi des gens étaient venus dans le village de Bourréac...
Oui ça aussi ça arrive assez régulièrement. Alors comme j'ai choisi ce village qui, même si je n'y vais pas, est juste à côté de chez moi, j'ai des nouvelles : j'ai appris effectivement qu'il y a quelque fois des personnes qui ne téléphonent pas, qui se rendent directement à Bourréac et qui ne trouve pas.
(rires) Merci beaucoup !
Je vous en prie !
propos recueillis par clément sayous et damien dion le 19 mars 2010 à l'université rennes 2
J'adore j'adore j'adore votre démarche, qui non seulement me fait tordre de rire mais que je trouve également très pertinente pour dégonfler les baudruches (et les égos) de l'art contemporain !!
RépondreSupprimerBravo
Dernière exposition à la Bergerie-Lieu d'Art Contemporain
RépondreSupprimerDERNIÈRE EXPOSITION !!
LA BERGERIE
LIEU D'ART CONTEMPORAIN
"DE L'ÉTERNEL AZUR LA SEREINE IRONIE"
DU 14 MAI AU 24 JUIN 2010
MARINA BALANOVITCH
SHASKIA BRESKEYA
http://www.labergerie-lac.com
Exposition organisée dans le cadre de l'Année France-Russie 2010
www.france-russie2010.com
renseignements en fichier joint
Tu n'as pas "trouvé" le village de Bourréac, c'est Sabin Poullédous et moi qui avons pensé à utiliser le nom de ce lieu. "J'ai la mémoire qui flanche...
RépondreSupprimerSaturnin Abadie